jeudi 6 octobre 2011

Tenue


Trouver quelque chose à dire, un simple mot. Tout lui parait si impossible à présent. La claque. Elle emmerde son monde, elle est en colère ! La haine. Elle aime ce mot, elle pourrait le cracher à la gueule du premier venu. Envoyer sa merde verbale sur le premier venu, quelle jouissance !


« I need to sleep »

Putain, mais je m’en branle que tu veuilles pioncer. Et puis parle-moi en français bordel de merde.

« Ici on parle  français. »
« Je veux dormir, my honey »

Oui c’est bon j’ai compris, et bien dors !

Et la revoilà partie dans sa colère, silencieuse. Impossible d’extraire le moindre mot de sa bouche. Sa diarrhée verbale peine à sortir. Aucune larme. C’est une colère silencieuse qui la bouffe et la fait rire. Rire ! Incroyable mais vrai, elle se marre pour étouffer sa rage.  Dans un fou rire, elle se lève et allume sa clope.
Si seulement, je l’avais fait…

« Honey, il est vraiment tard, viens dormir ! Mais tu fais quoi, what is craap ? Tu fumes ?! »

Mais c’est pas possible, il veut pas me lacher, me laisser penser tranquille…

« C’est bon je l’éteins, va te coucher, j’arrive. »

Elle rit, elle pleure.

« Honey, tu ris ou tu pleures ? »
« Les deux chéri, mais ça va. Dors j’te dis. »

Elle s’allonge. Le calme reprend. Si seulement je l’avais fait.

« Tu veux pas me dire ce qui t’arrive honey ? »
« Mais rien ! C’est pas un drame de rire et de pleurer, ça t’arrive jamais peut être ? »
« Pas comme ça non ! Tu l’éteins cette lumière ?! »
« Oui. Dors bien. »

La pièce est sombre, comme cette ruelle. Les yeux grands ouverts, elle suffoque.

« Tu sais honey, je t’aime. Tu es mon unique. »

Tu es unique. On dit, tu es unique. Putain.

« Je t’aime. »

Le calme revient. Va-t-elle enfin pouvoir suivre le fil de sa pensée ? Elle transpire. Elle ferme les yeux. Un cri étouffé parcourt la pièce.

« Honey ? Tout va bien ? My God, qu’est ce qui ce passe. Tu es transpirante. »
« Ca doit être le chauffage. J’ai du faire un cauchemar. »
« Oh my darling. Tu veux quelque chose ? »

Mais putain je veux qu’on me foute la paix.

« Non chéri, ça va aller. T'éteins la lumière ? !»
« Oui, dors bien. »

Le silence reprend. Ses yeux s’habituent à l’obscurité. Elle sent ses mains. Son haleine qui pue. Elle voudrait supprimer cette image qui la terrorise. Comme dans un film en mode marche arrière. Elle se revoit parcourir cette journée à l’envers. Etait-il là depuis longtemps ? L’observait t-il depuis longtemps ? A quel moment a-t-il remarqué sa présence. Etait- ce la première fois qu'il la voyait ? Comment a-t-elle pu ne rien voir venir ?

« Honey, je te trouve étrange. Es-tu sûre que tout va bien ? »
« Oui. Mais j’ai du mal à trouver le sommeil. »
« Tu veux un somnifère ? »

Je vais l’assommer. Je vais lui clouer la bouche. Pour quoi je ne peux pas penser tranquillement ?!

« Non chéri, vraiment, tout va bien. Tu vas être crevé pour le boulot demain. Dors ! »
« Ok my lovely. Tu sais que je t’aime. »
« Moi aussi. »

Elle retrouve ses pensées. Elle se souvient. Elle portait un jeans moulant avec un chemisier vert. Elle déteste ce chemisier. Mais le matin même elle avait du se précipiter pour partir. Pas le temps de faire le choix. Pourquoi se fixer sur sa tenue vestimentaire. Elle était en retard et elle déteste ça.

« Honey ? Tu dors ? »
« Non chéri, j'dors pas. »
« Je m’disais… »
« mmh ? »
« Non, laisse tomber. On est fatigué. Faut qu’on dorme. »
« Oui. Bonne nuit alors. »
« Bonne nuit. »

Elle l’avait embrassé. Claqué la porte. Il faisait très froid ce matin là. Direction le boulot. Trajet habituel. Les mêmes choses chaque matin. Les journées qui défilent. Et ce putain de chemisier vert qu’elle avait mis. Mais pourquoi cette horreur de chemisier aujourd’hui ?
Elle avait bossé plus tard que prévu, des paperasses de merde à terminer. Et ce machin vert qu’elle ne supportait pas qui lui collait à la peau, lui laissant des auréoles sous les bras.
A 23h00 tapante elle avait enfin fini sa journée de labeur.

«  En fait j’me disais, j’ai envie d’avoir un enfant »

Elle somnolait dans un état de trans, dans un état second. Des flashs lui revenaient. Ses yeux noirs, ses mains râpeuses sous ce tissu vert immonde. Et cette parole si affreuse « Tu vas aimer ça »
Elle était sortie du boulot tard. Elle était la dernière. Elle aimait bien, pourtant, rester au bureau quand tous les combattants avaient désertés.

«  Tu dors, tu ne m’entends pas, mais j’ai envie de ce bébé avec toi »

Non je ne dors pas pauvre con. Mais vois- tu ?! Je pense bordel. Je pense à ce truc vert et à cette journée de merde
La place était déserte. Plein mois de décembre avec un froid glacial. Qui pouvait bien trainer ici ? mis appart cette sombre merde. Il l’attendait. Sale monstre
Elle avait pris la première rue. Scénario classique. Il la suit, elle ne remarque rien. Première rue un peu sombre, il se jette sur elle. Pas le temps de pousser une gueulante. Surprise. Elle sent sa main puante et moite sur sa bouche. Elle fait un geste et s’en est finit pour elle. Dans l'autre main elle voit une lame.

«  Tu es la femme de ma vie, tu comprends ça ? »

J’men fous. Je ne suis plus une femme ce soir. Je suis ce putain de chemisier vert que je déteste.
Sentir les remous de son corps, cette espèce de chose gluante pénétrer son vagin, son ventre.  Et voilà en prime qu'il se permet de jouir. Elle reste de marbre. Se sentant absente de ce qu’elle subie. Elle est droguée, anesthésiée. Sa vie s’arrête aujourd’hui. Elle fixe son chemisier vert, dans la nuit il est noir, comme le chaos dans lequel elle se trouve à cet instant. Tout ça c’est à cause de ce foutu chemisier vert.

« Je veux pouvoir te rendre heureuse… »

« Tu aimes ça, hein ? Sale chienne !! »
Je n’aime plus rien. Cette odeur qui s’échappe de lui. Elle veut gerber. Elle veut se vider de ses entrailles. Lui vomir sa haine à la gueule.
Le voilà qui vide son purin de semence sur son chemisier. Il rit.  Une phrase s’échappe de sa bouche : « putain de chemisier. »
Il lui crache à la gueule. Se rhabille. Et se taille.
Elle se relève. Réajuste son chemisier et son pantalon. Elle se recoiffe. Continue son chemin. Elle marche, elle ne s'arrête plus, elle ne sais plus où elle est. Y'a une lumière, elle entre c'est un tabac, elle achète des clopes  et s’engouffre dans la bouche de métro.

« Honey, I want to married you. »

D’un bond, elle se redresse, prends son coussin  et l’enfonce dans le visage de son fiancé. Il n'a pas le temps de s'opposer. Elle appuie si fort. Après quelques soubresauts comme une éjaculation, il ne bouge plus.
Enfin ! Elle peut penser dans le silence. « Si seulement j’avais changé de chemisier »
Ses yeux se ferment. Elle s’endort comme assommé par tant de plaisir, elle a retrouvé son calme.

Mathilde Laetitia, le 26 avril 2009.

5 commentaires:

  1. Frissons...Elle est pas facile cette nouvelle...

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  2. En effet j'ai pas été très gentille avec vous !

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  3. Je découvre ton blog, et cette nouvelle. Ecriture nerveuse, efficace. J'ai été tenue en haleine jusqu'au bout. Bravo !

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  4. @Anonyme : Merci beaucoup, j'espère te revoir par ici et peut être plus en anonyme ;)

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  5. Coucou, en fait je voulais pas m'inscrire en anonyme mais comme je suis pas douée, c'est tout ce que j'ai réussi à faire... Mon pseudo est MamanCaillou on se fréquente sur Twitter ^^
    Au plaisir de te lire à nouveau !

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