lundi 26 janvier 2015

Respectée

Respectée : une naissance respectée.


Tout juste pondu 


C'est étonnant qu'on soit obligé d'accoler le mot "respectée"pour une naissance qui se veut différente de celle qu'on peut vivre dans une maternité. Dans mon monde parfait, chaque naissance devrait être respectée, qu'elle se passe dans une maternité, dans un lit douillet chez soi ou dans une maison de naissance.
Ça fait un moment que je voulais parler d'un peu de moi, de ce parcours différent pour la naissance de mon petit garçon. Pas que je veuille raconter minute par minute, mon accouchement, tout le monde s'en fiche après tout, mais plutôt raconter qu'on peut avoir une magnifique naissance, dans un respect total et un accompagnement idéal.

De la première naissance de ma fille, dans une maternité de niveau 3, j'en garde un souvenir amer. Sur le papier elle s'est très bien passée. Dans les faits j'en garde des blessures, je n'ai rien pu choisir ou décider, tout s'est imposé à moi car "vous comprenez Madame, c'est mieux pour vous et votre bébé" quand j'y regarde d'un peu plus près, 4 ans plus tard, je me rends compte que c'était mieux pour eux. Tout simplement.

La péridurale alors que j'ai rien demandé "oui mais après vous serez fatiguée", l'impossibilité de pouvoir bouger "oui mais on n'entend plus le monito sinon" la douleur de cette péridurale qui fonctionne mal et me fait tomber dans les pommes à chaque mouvement que je fais.
J'avais 20 ans "et comme vous avez 20 ans on est dans l'obligation de vous proposer l'aide d'une assistante sociale" même si cette enfant était voulue et arrivée dans de très bonnes conditions. C'était mon premier bébé, et la pression était trop forte. J'avais 20 ans et pas le droit à l'erreur parce que j'ai le mot assistante sociale qui plane au dessus de ma tête. 20 ans et pas le droit à l'erreur car mon âge est entouré au rouge et sur-ligné au stabilo sur la feuille de suivi des auxiliaires de puériculture. J'ai 20 ans et on doute de moi, de ma capacité à être la mère de cette petite fille. J'ai l'impression de passer l'évaluation de ma vie et d'être une mauvaise élève "non on doit pas donner le bain comme ça" "non il faut soigner le cordon comme ça" "vous devez impérativement noter les heures de tétée de caca et de pipi sur votre fiche" "oh lala mais elle a perdu trop de poids cette enfant" "comment ça vous arrivez pas à la mettre aux seins, c'est parce que ceci ou cela ou encore ci ou bien ça". De cet accouchement et ce séjour à la maternité j'ai perdu toute confiance en moi : les autres savent forcément mieux.
De ce séjour en maternité je n'ai pas pu leur dire que j'avais peur des pensées qui s'affolaient dans ma tête, que j'avais peur de sombrer dans le noir, je n'ai rien dit car ils ne m'ont pas laissé la moindre place pour un peu de confiance, un peu de parole. Ils ne m'ont pas laissé découvrir ma fille et apprendre à la connaître, ils ne m'ont pas dit que je n'avais pas besoin de "quelqu'un qui sait" pour donner un bain. Alors je n'ai rien dit. Et j'ai fait ma dépression post-partum silencieusement, dans mon coin. Personne n'a su une seule seconde, que dans ma tête de multitudes de pensées plus noires les unes que les autres m'ont parasitée pendant ces longs mois.
Et puis les beaux jours sont revenus, et puis j'ai rencontré des personnes, qui sans le savoir m'ont aidée à réaliser que tout allait bien, que j'étais la mère qu'il fallait pour ma fille.

Après tous ces jours, alors que je croyais être vaccinée avec la maternité, l'envie d'un autre enfant s'est pointée, avec la peur de recommencer pareil. J'ai alors cherché une autre façon de donner la vie. Je voulais être accompagnée, regagner un peu de confiance. J'ai donc, un peu par hasard, et avec une volonté folle, atterri au CALM-L'association pour la maison de naissance des Bluets. Un havre de paix dans une maternité. Un endroit douillet ou chaque futur parent est accompagné dans un respect total. C'était un peu le grand écart.

Une sage-femme nous a suivi tout au long de ma grossesse, la même sage-femme qui m'a assistée pour mon accouchement. Ici le futur père a toute sa place pendant les rendez-vous mensuels, c'est une histoire de couple. Et c'est ici qu'on m'a écoutée sans jugement. J'ai pu dire toutes ces inquiétudes qui me rongeaient. On ne m'a pas parlé d'assistante sociale, de poids du bébé, de bain. On m'a parlé d'un accompagnement possible après l'accouchement, de groupe de parole autour de la parentalité.
C'est un accompagnement à la carte, on donne des avis éclairés, le couple prend ses décisions. Dans ce lieu j'étais maître de mon corps et de mes choix. Ici on accouche sans péridurale, on a une sage-femme qui est là pour nous continuellement. Qui nous claque la bise en partant et nous appelle par notre prénom. Une sage-femme qui me connaît sur le bout des doigts et sait ce qui me fait peur, ce que je souhaite, une sage-femme qui m'apprend à avoir confiance en moi, en elle et à m'écouter.
Et je découvre ce que c'est qu'un accompagnement global, un véritable suivi médical, dans son dossier ma sage-femme note tout, mes rêves, comme mes résultats d'analyse. Et ce dossier je l'ai lu, je sais ce qu'il y a d'écrit. Je découvre que je peux me faire confiance, savoir ce que mon corps me dit.
Mon accouchement s'est passé comme je l'ai rêvé, j'ai donné naissance dans une jolie chambre, dans mes draps, mon bébé n'a eu aucun examens médicaux  après sa naissance, pas d'aspiration, de machin dans les yeux ou autres protocoles. I a juste été pesé et la sage-femme a vérifié son score d'Agpar, il n'a même pas été mesuré, à quoi bon, il verra un médecin dans 5 jours...
Un accouchement à l'opposé de celui que j'ai vécu il y'a 4 ans. Personne ne nous a dérangé ou n'a interféré avec cette rencontre. Ma sage-femme a été là pour accompagner la douleur des contractions, mon compagnon aussi d'ailleurs. Je n'ai à aucun moment été livrée à moi même avec ma douleur physique ou celle qui peut apparaître après :  psychologique.

Je suis rentrée 6h après chez moi, comme c'était convenu. Et étonnement je me suis sentie beaucoup moins seule chez moi qu'à la maternité. Ma sage-femme est ensuite venue à domicile et a mis tout en place pour que le retour à la maison se passe au mieux. Elle m'a vraiment aidée à retrouver confiance en moi et mon bébé. Pour la première fois depuis pas mal de temps je suis fière de moi.
Evidemment mon allaitement se passe très bien, évidemment je n'ai eu aucun souci post-accouchement comme j'ai pu avoir en maternité, évidemment en ce qui concerne ma peur de la dépression post-partum elle s'éclipse tout doucement, car tout va bien, je sais être mère, pas besoin d'avoir des puéricultrices tous les jours dans ma chambre. Et surtout, je sais qu'au bout d'un téléphone, si jamais ça n'allait pas j'ai quelqu'un pour moi, qui me connaît : ma sage-femme.

Si j'écris ce long témoignage, ce n'est pas pour dire qu'accoucher en maternité c'est de la merde et la maison de naissance c'est génial. Mais plutôt pour faire savoir que d'autres alternatives à l'accouchement en maternité existent, que c'est pas des trucs d'illuminés, mais de vraies réponses pour des couples qui cherchent un autre accompagnement. Oui pour une grossesse non pathologique on peut accoucher chez soi ou en maisons de naissance, non c'est pas de l'inconscience merci bien.
Bref, ce serait chouette qu'en 2015 les jugements à l'emporte-pièce sur le choix de l'accouchement et de la grossesse cessent. Qu'on mette enfin la main à la pâte pour aider, ces alternatives qui voient le jour péniblement, à se perpétuer...

Pour moi, l'accompagnement de la grossesse et l'accouchement en France c'est pas très glorieux à quelques exceptions, tu es un utérus sur pattes, il n'y a aucune humanité, et pour tout un tas de raisons, ton accouchement appartient à des professionnels qui n'ont pas la possibilité ou la volonté de mettre un peu d'humanité dans un des moments le plus fragile de la vie d'une femme. Et comme c'est pas près de s'arranger avec cette chasse aux sorcières pour les accouchements à domicile, il reste le militantisme pour soutenir le projet des Maisons de Naissance. Alors voilà, en 2015 j'aimerais que chaque couple, chaque femme puisse être respecté et soutenue dans cette aventure un peu folle de la maternité.

Sur ce je vous souhaite un bel éclatement chattal <3

Pour aller plus loin, si t'as des questions, on mord pas :
Site du CALM
Page Facebook du CALM
Compte Twitter du CALM 

Et tous les articles de Marie-Hélène Lahaye http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/ qui dit tellement bien mieux que moi ce que c'est que l'accouchement respecté.




7 commentaires:

  1. N'étant pas encore mère mais pensant le devenir sous peu, j'ai commencé à me renseigner avec un bouquin de ma sœur : "Attendre bébé autrement". On y comprend en effet très bien que les accouchements classiques tombent dans un schéma qui ajoute des examens et manipulations qui n'auraient pas été nécessaires, pour permettre au service de s'organiser. Avec le nombre de futures mamans dont ils doivent s'occuper, ça semble compréhensible. Mais à l'échelle de chaque femme, c'est une escalade de dépossession d'un moment clé de sa vie, et il ne devrait pas en être ainsi. Je sais déjà que si je le peux, ce sera également accouchement à la maison ou en maison de naissance pour moi et dès le premier enfant :) J'ai hâte de rencontrer la sage-femme qui me conviendra, ça doit être une relation vraiment exceptionnelle !

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  2. Il n'y a pas de hasard dans la vie... En début d'après-midi, je me renseigne sur la maternité où je devrais "logiquement" accoucher en septembre, je lis pour la 1ère fois les mots "maison de naissance" et je lis, je lis et je relis des témoignages 3 heures durant. Puis, quand je me décide enfin à raccrocher c'est sur ton témoignage que je tombe, des étoiles toujours plein les yeux. Merci!

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  3. Ton article est très intéressant !
    Je vais nuancer un poil tes mots : il existe d'autres alternatives et différentes maternités aussi ^^ Car même si je n'ai pas encore l'expérience de l'accouchement dans celle où je suis suivie, mon ressenti pour le suivi prénatal est déjà très différent du tien, et ayant une amie qui a accouché dans cette mater (et ça n'a pas été tout rose pour elle d'ailleurs) avec qui j'ai beaucoup d'attentes en commun vis à vis de l'accouchement et du suivi postnatal, je sais que tout se passera assez bien. Ce que tu racontes de ton premier accouchement j'en ai peur, j'ai peur de le vivre, mais je sens que dans ma mater ça ne peut pas se passer ainsi car les équipes sont absolument géniales :) Mais malheureusement, il y a encore beaucoup de mater où ça se passe comme dans celle où tu as eu ta fille et effectivement c'est pas simple et ça gâche le début d'une jolie relation avec son bébé.

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  4. J'aimerais pouvoir envisager une telle expérience, mais après la perte d'un bébé suite à une prééclampsie je n'ai pas envie et c'est niveau 3 d'office.
    Avant d'envisager les solutions alternatives, il faut bien faire le tour des antécédents familiaux (chez Mme et Mr), les expliquer à la SF et ne pas les prendre à la légère. Perso, j'ai un peu négligé ce point pour mon premier bébé et - manque de bol - je suis tombée sur une SF incompétente. Ma grossesse n'a pas été identifiée comme potentiellement pathologique alors qu'elle l'était.

    Pour la grossesse suivante, j'ai été suivie dans une grande maternité et franchement le suivi a été super (obstétricien + SF libérale), et on a été bien accompagnés pendant cet accouchement sous haute surveillance. Même après, l'équipe a insisté pour échanger avec nous et on a pu éclaircir les qqs points mal compris. Je leur en suis reconnaissante car ça m'aurait certainement trotté dans la tête ultérieurement. Heureusement y a des bonnes maternités avec de bonnes équipes !

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  5. Bonjour,
    Heu... tu dis que tu ne veux pas sous-entendre que "l'accouchement dans une maternité c'est de la merde" mais tout ton article dis le contraire et en particulier qqes lignes plus tard "l'accouchement en france c'est pas glorieux à quelques exceptions"...
    Alors on comprend que ta première expérience a été très mauvaise et que surement c'était pas une super maternité, mais je ne pense pas que ça te permette de généraliser.
    En plus encore une fois ça dépend de ce que chacun veut.
    Je peux en tous cas te rassurer sur le fait que certains accouchements à la maternité se passent super bien, que c'est un moment de joie intense, qu'on ne fait là aussi souvent que le score afgar et le strict nécessaire, que les gens peuvent être très prévenants et chaleureux, qu'on te laisse avec le papa et le bébé faire connaissance pendant plusieurs heures après l'accouchement, que certaines sont super contentes (et en redemandent) d'être abreuvées de conseils, et de rester plusieurs jours entourées de pros, et enfin que beaucoup de femmes sont très heureuses d'avoir la péridurale! :)
    Alors chacun est libre et tant mieux si tu as trouvé ce qui te correspondait à toi mais franchement une bonne maternité avec tout l'encadrement médical, la péridurale etc. c'est le top pour beaucoup de gens! :)
    Vive notre époque!
    Une maman qui a connu une naissance très respectée

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    1. Pour tout élément "pour" il y aura des éléments "contre", c'est presque une loi physique. Tu as vécu une superbe expérience de naissance, c'est tant mieux. Cela dépend surtout de l'équipe à ce moment là. Avoir un suivi par une personne unique, qui te connait, c'est tout de même un grand luxe. Enfin, si j'avais le choix, je préfèrerais cette solution plutôt que découvrir le nom de ma SF quand elle a sa tête dans mon vagin. Et ça tombe bien... on peut avoir ce choix.
      Ce que je lis moi dans ce témoignage (car comme pour ton accouchement qui s'est bien déroulé, c'est un témoignage, une expérience unique car elle est le fruit de ton point de vue), c'est la volonté de trouver pour ce second bébé, une méthode qui convienne mieux à sa façon de concevoir son suivi et son accouchement.

      De la grossesse à l'accouchement (et même ensuite), on t'abreuve de conseils, souvent différents, souvent personnels, souvent issus de ce que ton interlocuteur pense être LA bonne façon. Personnellement, à la maternité, pour un même sujet, j'ai parfois eu 3 façons de faire différentes, estampillées par chacun comme étant la meilleure méthode ; résultat, à chaque fois, j'avais le droit à "mais non, c'est pas comme ça". Jusqu'au moment où une puéricultrice m'a dit ce qui m'a libérée "c'est votre bébé, vous faites comme vous voulez". J'ai depuis utilisé cette phrase dans plein de situations, du choix de ma poussette à ma volonté de ne pas lui donner telle vitamine, de la façon de l'habiller à celle de l'élever.

      L'encadrement médical, les protocoles, cela peut être rassurant comme angoissant, tout est une question de perception personnelle. Toutes les maternités ne sont pas des machines à bébé, cela reste toutefois un commerce, soyons pragmatiques. Et comme pour tout achat, tu cherches le "produit" qui te convient le mieux.

      La place de la femme durant sa grossesse est une question même plus globale. Ne pas être réduit à ce qui entoure l'utérus mais qu'on comprenne aussi que tel acte ou tel énième rdv où tu devras te contraindre à aller, durant lequel on ne parlera que du bébé et jamais de toi, ce n'est pas l'idéal pour appréhender la parentalité avec sérénité.
      Peut être que tu ne l'as pas vécu, je ne l'ai pas vécu pour tous les aspects de ma grossesse, mais ça existe. Enceinte, tu tombes dans le domaine public et le tout-un-chacun peut donner son avis sur tout ce qui est "mieux pour le bébé". Personnel médical en tête, qui parfois, s'éloignant de la pédagogie, se contente de donner un ordre sans t'en expliquer le pourquoi.
      Encore une fois, pas tous, pas tout le temps, mais encore une fois, ça existe.

      La maison de naissance n'est pas une formule qui convient à tout le monde ; la maternité de niveau 3 non plus. Ce qui compte plus que tout c'est de savoir que durant ta grossesse comme après, tu as le choix, et c'est toi qui décide.

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  6. Très beau billet. Désolée de ce que tu as dû vivre pour ta fille et merci d'avoir partagé ta belle expérience au CALM.

    J'ai moi-même accouché dans une maternité respectueuse (celle qui est en partenariat avec le CALM) et malheureusement à cause du manque de moyens cette expérience reste amère, entre la sage-femme qui nous a "abandonnés" car forcée à courir entre x parturientes et le gynéco intérimaire qui lui n'avait rien compris au respect. Alors non, on a beau choisir une super maternité qui vend du rêve, RIEN ne garantit que les valeurs de l'établissement seront respectées et RIEN ne vaut l'accompagnement tout au long de l'accouchement par une sage-femme qui nous connaît, nous respecte et nous soutient (pour l'avoir entrevu par tranches de 2 minutes avec celle qui restera malgré tout ma sage-femme d'amour). Ca devrait être une femme = une sage-femme et au lieu de ça, c'est 4 femmes = une sage-femme. De piètres conditions de travail pour nous comme pour elles...

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