samedi 30 novembre 2013

Exercice d'écriture #1

Exercice d'écriture #1

Consigne trouvée sur ce site :
François Bon, Tous les mots sont adultes, p.27
Choisir une chambre parmi toutes celles qu’on a eues. Celle que les élèves ont maintenant, ou, de préférence, « celle où une fois ils ont eu plus de bonheur », ou une chambre inventée.
Inventorier « toutes les différentes manières qu’on peut avoir d’en parler. Ce qu’on voit de la fenêtre, quand on s’y est perdu au milieu de la nuit. Les cachettes qu’on s’y faisait. Les saisons. Les bruits, bruits de la journée quand on y est mais qu’on ne devrait pas y être, les bruits du dimanche, les bruits de la nuit. » (p.28)


La chambre où j'ai eue le plus de bonheur. 
En voilà un drôle de sujet d'écriture.

Parler de cette toute petite chambre, aux couleurs automnales, peinte au gant de toilette et au pinceau, avec tous les restes de peinture trouvaient dans la cave de la maison ?
Je me souviens que j'y trainais bien avant qu'elle soit désignée officiellement comme ma chambre. Elle était toute petite, c'était une ancienne cuisine provençale avec seulement deux petites fenêtres. Une qui donnait sur un toit. L'autre qui donnait sur la pièce noire et rouge.
On ne pouvait y voir qu'un petit bout de ciel et l'ombre des arbres bougeait quand il faisait nuit. Si jamais le mistral hurlait par la la cheminée, que j'avais pris soin de bloquer avec une planche en bois, on pouvait croire que des fantômes venaient me rendre visite. Parfois la planche se soulevait, me sortant de mon sommeil et m'obligeant à la replacer. 
C'était la seule chambre à coucher du bas. La chambre où on entend tous les bruits de la rue, la porte qui s'ouvre, la vie d'en haut, les pieds de mes soeurs qui tapent sur les tomettes provençales. Le bruit de la TV qui vient de la pièce noire et rouge. 
Dans cette chambre je pouvais entendre tous les bruits de ma vielle maison. Les bruits rassurants de la vie. Je ne suis pas seule.
Peut être que c'est pour cette raison que j'aime les immeubles aujourd'hui. Le bruit de la clé de la serrure de la voisine. Le bruit de l'ascenseur. Le bruit des voix de mes voisines, qui me rappelle qu'il est presque 18h30. 
Dans cette chambre minuscule, je me sentais comme dans l'eau. Flottante et bienheureuse. La tête de cheval en osier appartenant à ma mère, accrochée à l'autre fenêtre qui donnait dans la pièce noire et rouge. La pièce noire et rouge où s'échappait le bruit de la TV et les réactions des spectateurs. 
Je dormais sur un minuscule lit en futon, chargé d'histoire. J'avais une lumière tamisée. J'y passais des heures dans cette chambre, regardant le plafond et toutes les couleurs peintes par chacun de nous. Celle que j'aimais le plus c'était la couleur verte foncée peinte sur les petits carreaux du mur où un évier sans eau vomissait un nombre incalculable de choses que j'entassais. 
Dans mes souvenirs c'était un évier en terre cuite. 
Au dessus de ma cheminée à fantômes, je mettais les cartes reçues pour mes anniversaires. Je me souviens d'une en particulier, envoyée par mon père. Quand on l'ouvrait elle faisait un bruit d'alarme de voiture. Sur la carte, une Betty Boop faisait la moue, comme à son habitude, et touchait une voiture avec sont doigt. On pouvait lire dans la bulle de bande dessinée, au dessus de l'icône de mode : "Tu es ma star". À force d'ouvrir cette carte qui trônait sur cette cheminée, j'avais usé la pile. L'alarme de la carte suffoquait on sentait qu'elle arrivait au bout, et je l'obligeais à sonner encore, juste pour le plaisir de la voir s'éteindre petit à petit. 

Un matin d'été, aux aurores, je me suis faite réveillée par mon grand frère qui était passé par le toit pour toquer à ma fenêtre. 
Ma mère ayant oubliait de laisser la porte ouverte. 
Mon frère adorait faire des expéditions dans la garrigue la nuit. Bien souvent il était accompagné d'un régiment, c'est à dire nous.
On faisait des campements et nous y passions la nuit. Le plaisir de se faire peur avec les sangliers et autres bêtes qui rodaient autour de nos tentes. Plus tard, après de nombreux campements d'infortunes, on a construit une véritable cabane en bois. Mon frère avait même pris soin d'y faire un petit jardin. On avait également construit un pont pour s'y rendre plus facilement. Il me semble bien que mon frère avait installé une balançoire aussi. C'était notre maison de vacances perdue au milieu de la garrigue. Notre maison d'enfants. On avait toujours des idées incroyables, surtout mon frère. Il avait le don de nous entrainer dans ses folles aventures.
Bien entendu, c'était totalement interdit de faire quoi que ce soit de ce genre, en plein milieu de la garrigue. Mais nous étions réputés dans le village pour faire que des choses interdites, ou des choses qui dérangeaient particulièrement les vieux provençaux aux mentalités étroites. Ma mère passait un nombre d'heures incroyables à s'engueuler avec les voisins. 
Entre notre péage dans la rue, nos inventions bruyantes, nos jeux infinis qui nous poussaient à crier ou encore le bruit des moteurs de nos petites motos. Tout était prétexte pour qu'un voisin sonne à notre cloche de bateau et rappelle à ma mère à quel point nous étions bruyants. J'avais d'ailleurs un plaisir infini à voir la façon dont ma mère envoyait paître le voisin qui osait s'aventurer au-delà de la cloche à bateau. Une répartie cinglante. Aucune diplomatie. Pourtant après notre départ, j'ai su que nous avions laissé un grand vide dans ce village.

Ce matin là, je ne sais plus pour quelle raison je n'avais pas participé à l'expédition nocturne, toujours est-il que mon frère tambourinait à ma fenêtre. Heureusement, il avait le bras fin, car en plus d'être toute petite, ma fenêtre avait des barreaux. Cette fenêtre n'avait rien pour elle. Je m'étais levée pour voir qui osait me réveiller si tôt. Apercevant mon frère et pensant qu'il me faisait une blague, j'avais grogné des mots en retournant me coucher. Mon frère avait redoublé d'effort avec la fenêtre. J'avais fini par céder et sortir de mon sommeil pour leur ouvrir la porte d'entrée. 
Mes soeurs s'étaient précipitées les premières dans la maison, enroulées dans leurs couvertures, et mon frère avait suivi.

Dans cette chambre j'étais la gardienne de la maison. Quand nous sommes partis, j'ai été incapable de revenir dans ce village. Ni même dans cette maison, chargée de nos exploits d'enfants.

***

Comme j'ai du temps, j'avais envie de me mettre à l'exercice d'écriture, si vous avez envie de participer c'est avec plaisir. C'est plus sympa à plusieurs hein, comme la partouze. Alors vous pouvez reprendre la consigne et faire sur votre blog, en commentaire, par mail me faire lire ou pas. C'est libre, c'est pour le plaisir.

Bisous

Aubergine







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