jeudi 7 juin 2012

Autisme

Autisme : Etre dans notre monde à sa façon.

Vous devez me prendre pour une dingue (enfin si ce n'est pas déjà le cas) avec mes billets qui vont dans tous les sens, et mon blog toujours plus bordélique.
Je ne ferais donc pas défaut aujourd'hui (encore une fois) au bordel dans ce blog. On va parler sérieux.

J'ai envie de vous causer de l'autisme. Que les choses soient clairs : Je n'y connais rien. (juste quelques trucs que j'ai pu lire jusqu'à présent)



Dans mon travail, je suis entourée d'enfant. Je m'occupe avec toute une équipe, d'accueillir les enfants pendant les temps de loisir (c'est bon vous avez compris c'est quoi mon travail ?)
Je ne suis pas rattachée à une seule école, chaque semaine, on m'appelle pour m'indiquer dans quelle école  de ma commune je travaillerai . Et chaque semaine ça change, même si je finis par retourner dans les mêmes écoles.
Pour le suivi des enfants et de l'équipe c'est pas évident. Chaque école à son propre fonctionnement, ainsi que les équipes. L'avantage, quand même, de travailler de cette façon, c'est que tu as une vision extérieure sur la manière de fonctionner d'une équipe. Tu es en observation permanente. Tu n'es pas parasité par les problèmes internes d'une équipe d'animation (et que toutes équipes dans n'importe quel boulot peuvent rencontrer). C'est très formateur.
Bref, y'a quelques temps, on m'a parachutée dans une école dont je commence à plutôt bien piger le fonctionnement. Dans cette école il y a une petite fille autiste.
On m'en avait vaguement fait part la première fois que j'ai atterri par ici. Mais sans rentrer dans les détails. Et sans même me dire qui elle était. J'ai compris toute seule, assez rapidement, qui était cette petite fille différente de moi. Je l'ai beaucoup observée, c'est une petite fille très attachante, qui vit dans son propre monde, elle tourne sur elle-même pendant des heures, et frappe dans ses mains. Il lui arrive de pousser des petits cris. Elle suit le mouvement mais ne participe à aucune activité. Elle ne parle pas. Elle baragouine, dans son propre langage, des sons. Elle observe beaucoup les gens autour d'elle. La première fois qu'on s'est rencontrées, elle est restée assez distante vis à vis de moi.

Lors de notre deuxième rencontre, elle a pris mon visage dans ses petites mains froides et m'a souri. J'étais assise sur un petit siège d'enfant. J'avais les mains croisées, elle les a prises, les a détachées, et s'est assise sur moi. S'en est suivi d'une inspection très minutieuse de mon visage et enfin d'un câlin, comme pour me remercier de lui avoir, ouvert un peu de moi. Et la journée a continué normalement.
Pourtant, la dernière fois que je suis venue travailler dans cette école, la petite fille n'avait pas la forme. Elle a pleuré plusieurs fois dans la journée, comme ça d'un seul coup. Sans que je puisse en comprendre la raison. Elle paraissait pas dans son assiette. Aux dires de mes collègues ça fait quelques temps qu'elle est comme ça. Faudrait le dire à ses parents. Elle n'est plus bien avec nous.
J'étais pas vraiment d'accord avec eux. Si pour chaque enfant qui rencontre des difficultés, on doit en avertir les parents pour qu'ils retirent l'enfant en question, on n'aurait plus beaucoup d'enfants à s'occuper.
J'ai beau eu dire, qu'elle vivait peut être une période difficile chez elle, personne n'a entendu ma proposition. Y'a toujours un brouhaha incessant dans cette équipe. Un sérieux manque d'écoute et beaucoup de décibels.
J'en ai discuté avec la directrice en lui disant qu'elle avait peut être mal quelque part, elle se sentait peut être patraque. Mais même ça, c'était irrecevable parce qu'on ne pouvait pas savoir où elle avait mal, vu qu'elle ne parlait pas.
La discussion avec ma directrice a continué sur l'accueil des enfants handicapés. Depuis 2005 le gouvernement a mis en place une loi pour l'accueil des enfants handicapés dans les milieux scolaires ordinaires et au plus près de leur domicile. Sur le papier je trouve ça formidable. Mais dans la pratique c'est vraiment pas ça. Et pourquoi ?
Et bien tout simplement parce qu'aucune formation n'est proposée pour accueillir ces enfants dans les meilleures conditions. Personne ne m'a appris comment être et comment faire avec un enfant autiste. Alors bien entendu on fait marcher sa jugeote et on essaye. Mais si je faisais quelque chose de mal ? si ma façon d'être et de faire n'était pas la bonne ? et bien personne ne pourrait venir me le dire. Parce que personne n'a reçu de formations à ce niveau là sur mon lieu de travail.
Aucun professionnel n'est venu dans cette école pour proposer un meilleur accueil avec l'enfant, que ce soit dans les activités où dans la vie quotidienne. Je ne vous parle même pas des moyens financiers qu'on a pas.
Alors pour toutes ces raisons, je trouve qu'encore une fois c'est une loi pour faire bien dans les livres. Et encore une fois on laisse les professionnels de l'enfance se démerder avec la pratique et toujours au détriment de l'enfant.

En fin de mâtiné, la petite fille a eu un gros chagrin, pleine de frustration elle s'est assise pour déverser toute sa tristesse. Que faire ? comment réagir ?
La salle était bruyante. Elle devait s'ennuyer et la directrice s'était fâchée contre elle, parce qu'elle voulait mettre le bazar sur son bureau. Peut-être qu'elle était fatiguée ? Qu'elle avait faim ?
J'ai alors arrêté mon activité. J'ai laissé une vingtaine de gamins à ma directrice. J'ai pris la petite fille par la main et on est allées se promener. Elle a toute suite arrêté de pleurer. On s'est amusées toutes les deux dans la cours. Elle a regardé les oiseaux chanter. Elle a éclaté de rire toute seule. C'est alors que je me suis mise à sa hauteur, je l'ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit : Je te demande pardon, parce que je ne te comprends pas et ça doit être dur pour toi. Mais je te promets que j'essaye de faire le maximum pour que tu te sentes bien ici.
Je ne sais pas si elle m'a entendue, ou si elle a compris. Mais je sais que pendant quelque minutes elle se sentait mieux cette petite fille.




19 commentaires:

  1. Le problème de l'accueil des enfants "différents" je le connais par le biais de mon cousin de 18 ans trisomique 21 et par celui du fils d'amis très très proches, agé de 14 ans et Autiste Asperger.
    Dans les 2 cas, de grosses difficultés pour trouver des structures les acceptant. Souvent comme tu le dis par manque de moyen et de formation du personnel. Pendant 5 ans ils ont attendu d'avoir une place dans un établissement spécialisé leur permettant d'apprendre l'autonomie.
    Ce sont des enfants qui réclament une attention et une approche particulières. Je ne veux pas blamer le personnel encadrant mais je suis persuadée qu'avec des personnes supplémentaires ces enfants seraient accueillis et intégrés.
    J'aime bcp ce que tu as fais avec cette petite....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Arf ! en voilà un sujet qui serait important au niveau politique.
      Je pense également qu'un enfant autiste a besoin d'une attention particulière, il lui faut un référent permanent, qui peut à sa guise se libérer pour s'occuper uniquement de lui. Et ce n'est hélas pas possible, ou alors de façon très ponctuelle. On manque vraiment de moyens, et de formations, les équipes sont pour la plupart pas au complet pour le nombre d'enfants à encadrer. Alors je crois que c'est une utopie d'espérer avoir un accompagnement individualisé pour un enfant autiste et c'est vraiment dommage !

      Supprimer
  2. Ben voilà j'ai les yeux tout mouillés moi!!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. promis la prochaine fois je fais un billet drôle, j'alterne un peu, histoire que tout le mondre trouve son compte ;)

      Supprimer
  3. Moi, mon travail c'est justement de m'occuper d'enfants autistes, d'essayer de les aider à communiquer et de m'adapter à leurs difficultés.
    Et je dois dire que c'est rare de rencontrer des gens aussi pertinents et intelligents que toi ! Merci pour cette petite fille !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci à toi d'être venue jusqu'ici ! ce n'est pas toujours évident d'être à notre monde. Je suis admirative des gens qui aident justement ces personnes ! bravo à toi !

      Supprimer
  4. Merci.
    Merci car mon frère, aujourd'hui âgé de 25 ans, est autiste. On parle souvent des enfants autistes, peu des adultes qu'ils deviennent. Trop dérangeant ? C'est ce que je finis par penser.
    En tout cas, merci pour ces mots, cette humanité que explique, cette simplicité de la vie qui va de soi-même à l'autre (et réciproquement).
    Si tu te poses d'autres questions, ou veut un ptit point de vue d'une grande sœur, n'hésites pas.
    Bises

    RépondreSupprimer
  5. Bon, pleins de fautes car j'ai écris trop vite car émue. Vous m'en voudrez pas ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te remercie d'avoir laissé un bout de toi. C'est gentille pour ta proposition, je n'hésiterais pas !

      Supprimer
  6. Très joli post que voici... Merci de nous avoir fait partager ce moment de vie un peu difficile. Et je suis sûre que la petite fille a effectivement passé une bonne fin de journée !

    RépondreSupprimer
  7. On a justement parlé de ça à mon conférence samedi (entre autres choses). Du fait qu'avant les enfants (et adultes) porteurs d'un handicap (principalement mental) étaient tous simplement exclus de la société. Maintenant, on avait décidé de les y inclure, d'accueillir les enfants dans les écoles "normales" MAIS... c'est tout ! Les enseignants comme le reste du personnel n'ont reçu aucune formation spécifique, ce qui fait que ça n'a pas beaucoup de sens sans suivi thérapeutique autour, pour accompagner l'enfant et communiquer avec les gens de l'école qui sont en contact quotidien avec l'enfant.
    Bref, j'imagine combien ça doit être frustrant pour toi et aussi attristant de ne pas savoir comment t'y prendre pour la soulager - même si à mon avis, l'empathie et l'intérêt sincère que l'on montre à une personne sont des sentiments qui doivent arriver à franchir un certain nombre de barrières.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. c'est super frustrant, déjà parce que je n'ai pas de suivi avec l'enfant, mais aussi parce que je trouve parfois les autres membres de mon équipe complètement irresponsables !
      C'est drôle j'ai re vu la petite fille, elle a voulu venir avec moi dans l'activité...

      Supprimer
  8. Merci de ce constat de la réalité, merci de vous poser de bonnes questions ! Il se pourrait que cette petite fille souffre de problèmes sensoriels, pour le bruit un casque pourrait améliorer son bien être. Voyez sur ce lien http://www.egalited.org/Integration_Sensorielle.html
    Cela vous donnera quelques infos pour comprendre ce que sont les particularités sensorielles des personnes au fonctionnement autistique.
    Cette petite fille a-t-elle la possibilité de s'exprimer par des images ? Il y a beaucoup de choses possibles à faire pour aider cette petite fille. Je vous contacte en privé. Merci pour votre "jugeotte" je reprends vos mots ! Oui vous avez raison, elle a peut-être mal quelque part et la douleur est peut-être sensorielle, quelques aménagements doivent être possibles ! Tentez déjà de l'éloigner du bruit et voyez si vous pouvez constater une différence.

    RépondreSupprimer
  9. Je viens juste de découvrir ton blog que je trouve génial !!! Je peux te dire que oh non tu n'est pas dingue tu as même très bien compris, cerné et expliqué ce qui cloche dans le système en tout cas beaucoup mieux que tous ces hommes politiques a qui visiblement il manque ta sensibilité et qui dans la dernière campagne électorale n'ont même pas daigné aborder le sujet . J'ai adoré ton récit parsemé de tendresse ♥ et je trouve qu'elle a bien de la chance cette petite fille pas comme ces 2 jumeaux dont j'ai lu la triste histoire la semaine dernière dans le quotidien métro . Après l'exclusion des 2 enfants déclares autistes de leur écoles pour raison d'instabilité, le père qui s'occupait des petits depuis leur naissance c'est vite retrouvait débordé par les consultations chez les spécialistes et à la suite d'une enquête pour défaut de soins la mère à du démissionner pour s'occuper d'eux .
    Après 4 tentatives d'inscriptions à pôle emploie et un RV avec un conseiller elle reçoit un courrier l'informant qu'ils ne pouvaient pas accepter sa candidature de demandeuse d’emploi à cause de la situation de ses enfants . Et voilà cette petite famille déjà bien éprouvé partie en croisade contre l'administration pour pouvoir subvenir à ses besoins je trouve cela bien triste :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. soleil sunny le com anonyme est de moi dsl mauvaise manip :(12 juin 2012 à 17:07

      le com anonyme est de moi dsl mauvaise manip :(

      Supprimer
    2. c'est vraiment dingue, la prise en charge du handicap en France est vraiment mauvaise.
      Je ne sais pas comment font toutes ces familles ! ça me met en colère !
      Enfin bref, je te remercie pour ce commentaire ! à bientôt !

      Supprimer
  10. Merci à vous pour ce témoignage très touchant et cette humanité, cette empathie, qui se dégage de ces lignes. Guillaume, autiste de 15 ans, fils de mon mari, non verbal, montre des troubles du comportement accentués lorsqu'il a mal quelque part. Nous avons sensibilisé les personnes qui l'entourent sur ce point, afin de nous alerter et que nous puissions prendre RV chez le médecin etc... dès que ces signes apparaissent... Lorsque j'ai mal, j'ai des mots pour le dire et j'arrive à identifier ma douleur, à la décrire, à la gérer... mais un enfant autiste? Cette petite fille a beaucoup de chance de vous avoir rencontrée sur son parcours.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En effet, suite à vos différents commentaires, j'ai pu observé La Petite Fille, et je crois que c'est le bruit qui lui pose un problème. Et comme beaucoup le personnel, "hurle" pour parler, il y a une certaine tension qui se dégage dans la journée. Elle doit ressentir ça de manière plus forte.
      J'ai trouvé une solution qui lui a plu, j'ai fait une activité calme, avec d'autres enfants dans une pièce éloignée, on a fait des jeux avec le corps. Elle était toute contente et souriait en frappant des mains !

      Supprimer